Un nom propre

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Un nom propre

Catherine

Il était une fois une princesse qui s’appelait Sophie Frédérique Augusta d’Anhalt-Zerbst. C’est un très long nom, j’en conviens, mais tu n’as pas besoin de t’en souvenir. Souviens-toi seulement qu’elle habitait un grand château en Allemagne. Pour être exacte, je devrais dire en Poméranie. Tu as raison, moi aussi j’aurais préféré ce mot qui fait tellement plus conte de fées. Entendons-nous quand même pour Allemagne. Ce n’est pas tout à fait faux, bien que moins joli, et tu retrouveras l’endroit plus facilement sur une carte.

Je disais donc que Sophie Frédérique Augusta d’Anhalt-Zerbst habitait en Allemagne. À quatorze ans, par contre, elle dut déménager en Russie pour épouser (quelques années plus tard, quand même !) le prince Pierre III, qu’elle ne trouva ni particulièrement beau, ni particulièrement charmant. Ils ne vécurent pas heureux et n’eurent pas beaucoup d’enfants. Je sais, c’est un peu décevant pour une princesse.

C’est ce qui m’a portée à me demander si son pays, l’Allemagne, ne lui manquait pas terriblement. Si ce n’était pas un peu par nostalgie qu’elle invita ses anciens compatriotes à venir s’établir avec elle, en Russie. Les livres d’histoire que j’ai consultés sont très avares d’informations sur les sentiments que pouvait éprouver Sa Majesté. Wikipédia n’a rien pu m’apprendre non plus et, bien entendu, Sophie Frédérique Augusta d’Anhalt-Zerbst est morte longtemps avant d’avoir pu s’ouvrir un compte Facebook où nous partager ses états d’âme. J’ai tout de même réussi à lire sur internet (tu trouverais la même chose si tu faisais des recherches) qu’en 1763 « la vallée de la Volga était une plaine peu habitée ». Sophie Frédérique Augusta d’Anhalt-Zerbst en était la reine et elle pouvait bien faire ce qu’elle voulait. C’est donc à cet endroit qu’elle fit installer les Allemands venus la rejoindre.

La Russie n’avait pas de Loi 101, ni de cours de russification, ni d’école obligatoire en russe. D’ailleurs, même s’ils avaient voulu le parler parfaitement, tu te souviens que la Volga était, en 1763, une plaine peu habitée. Les occasions de pratiquer le russe avec des locuteurs natifs faisaient donc cruellement défaut. Ainsi, les Allemands qui s’y établirent conservèrent l’essentiel de leur langue et de leur culture, même plus de cent ans après. C’est à cet endroit que Johannes (Hans pour faire court), Annemarie, Martin et Maria, tes arrière-grands-parents, sont nés.

 

Fin

 

Ah oui, autre chose avant de terminer pour vrai, un détail que j’ai failli oublier : quelque temps après son arrivée en Russie, peut-être parce que Pierre III l’appelait Fifi juste pour l’achaler, peut-être parce que personne n’arrivait à se souvenir de son nom au complet (encore une fois, mes recherches ne m’ont fourni que peu de réponses[1]) Sophie Frédérique Augusta d’Anhalt-Zerbst décida de se faire appeler Catherine. Catherine tout court. C’était beaucoup plus simple. Plus tard, par contre, une fois grande, les choses se compliquèrent un peu (mais très peu) : les gens l’appelèrent Catherine la Grande. Ça, tu peux t’en souvenir si tu veux.

 

Fin
(pour vrai, pour le moment)


[1] La conversion au christianisme orthodoxe me paraissant qu’un bon prétexte, une occasion en or, sans plus.

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